Anne Mony

Annie Thébaud-Mony

Contrats de travail atypiques, sous-traitance,
flexibilité, santé

Centre de Recherche sur les Enjeux
contemporains en Santé publique,
INSERM, Bobigny, France

Au regard des transformations de l'organisation du travail, quelle protection le contrat de travail assuret-il aux travailleurs ? Quand peut-on parler de contrat de travail typique ou atypique ? Il sembledifficile de classer les positions dans le travail selon cette typologie des emplois individuels. La "(dés)organisation" du travail dans les 20 dernières années conduit à une évolution de la division sociale du travail, essentiellement liée au recours à de multiples formes de sous-traitance1. Celle-ci n'est pas un phénomène nouveau. Ford lui-même, au début du 20e siècle, en recommandait l'usage pourlimiter les
coûts de production de l'entreprise dominante. Cependant, la généralisation des relations de sous-traitance à l'ensemble de l'appareil productif et à la fonction publique dans la plupart des pays de la planète doit être questionnée, non plus seulement au regard de cette économie des coûts de production
mais surtout en référence au droit à la santé au travail et à la constructionpossible ou non de marges
de manœuvre individuelles et collectives.
Le cadre législatif et réglementaire détermine les règles du contrat de travail ainsi que les droits et les
obligations qui y sont liés, notamment en matière de santé et conditions de travail. Ces règles s'entendent dans la relation entre l'employeur (soumis à l'obligation de sécurité) qui prescrit le travail et le
travailleur quis'engage à le réaliser tout en se sachant protégé par les garanties que comporte la réglementation, notamment en matière d'hygiène, sécurité et conditions de travail. Par rapport à ce cadre,
les relations de sous-traitance introduisent une pluralité d'employeurs. Celui qui signe le contrat de travail n'est, le plus souvent, qu'un relais par rapport à celui qui prescrit le travail : donneur d'ordreou
client. Or les conditions de travail et d'exposition à des risques ainsi que les contraintes de délais et
de qualité sont incluses dans le marché entre entreprises et s'imposent aux salariés quel que soit le
contrat de travail. Dès lors, on pourrait appeler typique le contrat de travail qui permet au travailleur
l'exercice de ses droits ainsi que le bénéfice des garanties assorties aucontrat de travail et inscrites
dans les législations nationales ou les directives et conventions internationales. En revanche, on peut
définir comme atypique tout contrat de travail pour lequel l'employeur n'est pas le prescripteur du
travail. Il s'agit donc non seulement des travailleurs sous contrat temporaire ou à temps partiel mais
également de tous ceux assujettis à des relations desous-traitance.
Dans ce texte, seront présentés tout d'abord quelques éléments pour un bilan de la santé au travail
dans ce contexte désigné comme "nouvelle économie". La seconde partie de l'exposé sera consacrée
à un bref éclairage des principes qui fondent la légitimité de cette "nouvelle économie" et des raisons
du "silence" syndical concernant la détérioration des conditions de santé au travail.Enfin, j'esquisserai
quelques pistes de travail pour la recherche et l'action dans le champ de la santé au travail en écho à
l'émergence de nouvelles formes de contre-pouvoirs.

1

Selon la norme NFX 50 300N de
novembre 1987, définie par
l'AFNOR : "peuvent être considérées
comme activités de sous-traitance
industrielle, toutes les activités
concourant pour un cycle de productiondéterminé, à l'une ou plusieurs des opérations de conception,
d'élaboration ou de fabrication, de
mise en oeuvre ou de maintenance
du produit en cause, dont une
entreprise dite donneur d'ordres
confie la réalisation à une entreprise
dite sous-traitante ou preneur
d'ordres, tenue de se conformer
exactement aux directives techniques arrêtées en dernier ressort par
le donneur d'ordres."

17...