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Marco Cavina
CONSILIA PRO VERITATE
ENTRE DOCTRINE ET PROCÈS (XV-XVIII s.)
Typologies conceptuelles et structures argumentatives


Testis iuris: le maître de ius commune intervient dans le procès avec ses réponses en tant que témoin du ‘droit commun’: il porte dans le tribunal le témoignage de la doctrine et de son autorité, toutes les deux dignes de foi. La réussite historique des consiliasapientis eut lieu notamment dans les régions où l’on trouvait un dense réseau d'Universités et, par conséquent, une influence majeur et plus directe des doctrines du droit savant sur les pratiques judiciares. C’est le cas de l’Italie entre la fin du Moyen Age et le début de l'âge moderne, où les recueils de consilia sapientis devinrent l'un des moteurs essentiels du développement du ius commune.Comme on le sait, le consilium connut deux formes. Le consilium sapientis iudiciale, adressé au juge, fut la pierre angulaire du droit médiéval pour l'adaptation des iura propria (droit coutumier, droit monarchique, droit statutaire etc.) au ius commune. Il fut particulièrement répandu au Moyen Age et déclina avec l'avènement du juge/juriste à l'époque moderne.

Aujourd'hui j'ail'intention, au contraire, de réfléchir avec vous sur les consilia sapientis pro veritate, à savoir les réponses préparées par le juriste sur demande d'une des parties. Le consilium était rédigé officiellement comme une visualitation juridique et impartiale du cas d’espèce secundum ius commune. En tant que pro veritate, il se distinguait conceptuellement des allegationes des avocats: elles étaientformellement pro domino, c'est-à-dire partisanes. Mais de facto le consilium était grassement payé par le client et, donc, il ne pouvait pas être à désavantage de celui-ci: il était donc fondamentalement factieux.

Dans un système juridique fondé sur les doctrines des juristes, les recueils de consilia soi-disants pro veritate représentaient un genre de littérature porteur d'incertitudes et decontradictions. Au XVI siècle, cela fut le sujet d’une polémique célèbre: Andrea Alciato était contraire à les considérer comme faisant partie de la doctrine pour leur caractère occasionel, Tiberio Deciani était favorable.

Andrea Alciato percevait le succès de la rédaction de consilia pro veritate - en tant que activité primaire du professeur de droit - comme étant rélativement récent. Les consiliaapparurent au XII siècle, mais leur importance crût à l’époque de Baldo degli Ubaldi (deuxième moitié du XIV siècle) et devint hégémonique avec la génération de Bartolomeo Socini et Carlo Ruini.

Pour ce qui est de la structure et de la dynamique argumentative, le consilium est semblable à un jugement motivé. Ses argumentations fondamentales sont trois: ex lege, ex rationibus, ex auctoritate. Maisnous ne devons pas oublier que dans la doctrine du ius commune de la fin du Moyen Age et de la première Age Moderne devint central le rôle de l’argumentum ab auctoritate (veritas probabilis), dont les problèmes pratiques furent abordés, atténués et non pas résolus par des expédients normatifs ‘eterogiurisprudenziali’ (à partir de l’extérieur de la doctrine: les ‘lois des citations’) ou doctrinaux‘endogiurisprudenziali’ (à partir de l’interieur de la doctrine: la communis opinio)


D’après Alciat, une des clés pour la classification et la différenciation de la méthodologie des consilia se situe dans les modalités d’utilisation de l’argumentum ab auctoritate et de la communis opinio.
Brevitas / maior copia /subtilitas sont les trois pôles qui diversifient le mos argumentandi deiconsiliatores du XV-XVI siècle sélon Alciat:

Alciato, Oratio Ticini habita, in Opera, 6, f. 325r: «Sunt qui brevitatem eam desiderant quam veteres, Dynus, Oldradus, Petrus, Raynerus adfectarunt: sunt qui maiorem copiam velint, etiam citra acumen nullum […] Alii subtilitates perquirunt, et cum Aretino, Socino, Ruino imaginari malunt, vel ut expressius loquar […] per aera incidere et circa solem...