Exemples De Représentation De L’espace Et Du Territoire.

D’autres exemples de représentation de l’espace et du territoire.

Voici un autre exemple de représentation de l’espace, dans un système culturel différent qui a été analysé par Mohamed Boughali (202). L’auteur a fait dessiner par ses sujets, différentes « cartes » : du Maroc, du Monde, du Cosmos, de leur village, après une étude de leur territoire.

Pour le Marocain illettré, l’espace n’ad’objectivité « que dans la mesure où il se prête à être une réplique fidèle de son univers à la fois psychologique et professionnel ». L’auteur explique comment se forme cette conception de l’espace à travers des rites de passage, tel le baptême au septième jour de son existence, « avant lequel son existence n’est liée à aucun espace puisque sa véritable individuation commence avec l’imposition duprénom qui l’intègre au périmètre domestique... domaine du sacré invisible puisque la maison est d’abord demeure des jnouns, premiers occupants de tout terrain ». A l’âge de 40 jours, il en sort pour accéder à un espace de la communauté, protégé par les saints patrons de la ville ou du village ; à la puberté, il fera partie de la communauté universelle des musulmans, la Umma. Celle-ci ne correspondpas à un territoire limité ; c’est un concept abstrait. Mais son activité même religieuse sera réellement spatialisée. « Le seuil (de la maison) est considéré, par beaucoup de Marocains illettrés, comme le lieu de rencontre et de contact avec l’espace domestique. Il est volontiers chargé d’un pouvoir bénéfique que toute intrusion peut amoindrir ou faire disparaître ». « C’est une frontière entredeux types d’espaces ». Par exemple, la future épouse, « du fait de sa pureté virginale, est susceptible de compromettre l’équilibre vital de la maison » Elle doit donc sauter le seuil et déposer son « pouvoir bénéfique et fécondateur » au centre de la maison. Il faut que « l’espace de la maison s’habitue à sa présence pendant 7 jours dans la chambre nuptiale avant de pouvoir circuler librement dansla maison ». Je veux seulement montrer que l’expression dans l’espace et sa représentation dépendent d’abord de tout un ensemble de systèmes symboliques et religieux qui vont inscrire dans l’espace réel des signes lisibles uniquement par les intéressés. « C’est en traversant des espaces circonscrits, et de plus en plus étendus, que cet homme retrouve, chronologiquement, Dieu ». Ainsi, « lesnoyaux des dattes que le pèlerin rapporte de La Mecque doivent être scrupuleusement conservés par tous ceux qui les ont consommés pour être enterrés avec eux ». Sa terre natale doit être emmenée dans un sachet avec lui, s’il voyage, et saupoudrée sur le premier repas qu’il prendra à son arrivée. « Ici, la terre-élément et la terre-cadre se confondent spontanément ». L’espace domestique se caractérisepar son inviolabilité (la Horma). L’homme de la maison protège celle-ci et la femme qui s’y trouve ; elle est protégée du regard des autres hommes par des grillages aux fenêtres, sans lesquels il pourrait y avoir un viol symbolique par le regard des passants.
La « porte » en berbère vient du verbe wer qui signifie : boucher, fermer, boucler ; il y a un véritable refus de communication avecl’extérieur de la maison.
La maison est organisée autour d’une cour ; on a pu parler de « maison à l’envers » (Pierre Bourdieu) ; s’il y a plusieurs épouses, chacune dispose, spatialement, d’une cellule familiale propre et ne communique pas forcément avec les autres femmes ; « l’espace domestique acquiert aussitôt après le mariage, le statut social de la femme ». Le foyer est considéré comme « le nombrilde la maison » (P. Bourdieu), et il renvoie à un rapprochement de l’image du corps.
L’importance du champ est essentielle, mais le bornage semble accessoire car « Mon champ est connu de tous ». C’est le nom du propriétaire qui définit ce champ ; d’ailleurs, l’héritage parental indique cette continuité ; c’est « la terre des parents » et en même temps, la terre « appartient à Dieu seul »....