Le Dernier Jour d'Un Condamné

Commentaire composé : 

Le dernier jour d'un condamné



C'est au XIXème siècle, que pour la première fois, en France, certain écrivains vont s'opposer ouvertement à la peine capitale, alors largement pratiquée. Victor Hugo en fait partie, c'en est même le premier et l'un des principaux. Il publie en 1829, c'est à dire plus de 150 ans avant son abolition en 1981, Le dernier jour d' uncondamné, prouvant ainsi son attachement à cette cause et son engagement. Il y dénonce les aspects injustes voire inhumains de cette irrémédiable sanction à travers le témoignage du personnage fictif d'un condamné à mort qui décrit ses deniers jours, ses derniers instants, pas à pas, jusqu'à l'échafaud. En observant tout d'abord les caractéristiques tragiques de la condamnation à mort et lesentiment de l'inéluctable qui transparaissent dans les premiers paragraphes de ce livre, puis le registre employé : le pathétique, nous verrons par quels moyens l'auteur provoque et utilise l'émotion du lecteur afin d'emporter son adhésion à la position qui est la sienne.

Victor Hugo souhaite à travers ce livre ouvrir les yeux de ses contemporains au tragique de la peine de mort. Il montre leressenti d'un condamné pris par un profond désespoir et par une terreur-panique face à la conscience de l'inéluctable de sa situation. Il espère ainsi faire évoluer la vision de l'opinion publique. Nous analyserons les procédés littéraires qu'il utilise en étudiant d'abord les sentiments du condamné devant son destin funeste puis le rapport particulier qu'il a au temps, et enfin l'enfermement soustoutes ses formes.

Le fait d'être condamné à mort, de devoir patiemment attendre son heure, de voir sa vie soumise à une échéance fatale est une situation des plus insurmontables. L'accumulation "toujours glacé de sa présence, toujours courbé sous son poids" indique que la conscience de la mort et l'angoisse qu'elle provoque paralyse l'esprit du condamné : il est totalement impuissant,physiquement et mentalement, face à sa mort. Il sait qu'il n' échappera pas à son destin comme le révèle l'accumulation en gradation : "je n'ai plus qu'une pensée, une conviction, une certitude". Cette conscience est en soi une lourde sanction qui n'apparaît pas au premier plan. Victor Hugo veut donc montrer que la condamnation à mort est une double peine ; s'ajoute à la destruction d'une vie et de tout cequi y est rattaché une interminable souffrance dans les semaines qui la précèdent ce qui est sûrement l'élément le plus douloureux. Nous allons maintenant étudier plus précisément le rapport particulier du condamné au temps.



Nous pouvons ressentir combien un condamné à mort perçoit différemment le temps qui s'écoule et le sépare de sa mort. Pour souligner ce malaise qui amplifie laterreur face à l'inéluctable, l'auteur rend très présent le thème du temps. Nous remarquons en effet son champ lexical, en premier lieu dans le titre : "le dernier jour" qui met en évidence le problème du temps ; puis : "voilà cinq semaines", qui sont quasiment les premiers mots du texte. Et en second lieu : "Autrefois" qui s'oppose au connecteur temporel "maintenant". L'utilisation de l'adverbe "autrefois" montre que le condamné a une vision déformée du temps qui s'écoule. Il parle d'une période révolue tellement différente qu'elle lui semble lointaine. Quant-à l'accumulation "chaque jour, chaque heure, chaque minute", elle renforce l'impression de fossé entre le passé et l'instant présent où il n'existe plus de division du temps mais un bloc uniforme. De plus, la syntaxe et la ponctuationjouent aussi un rôle sur le rythme du texte qui reflète l'urgence éprouvée ; l'émotion et le stress ressentis atteignent ainsi de manière directe le lecteur. La mort se rapproche un sablier à la main. Le sentiment d'impuissance devant un destin qui se rapproche fatalement est donc transmis à la fois par le champ lexical du temps et par la cadence du discours. Ceci confronte le lecteur au tragique...