Les misérables

Littérature Française VI





VICTOR HUGO



Les Misérables



Fantine









Laura Velasco Centella.


1. Présentation de l’auteur et de l’œuvre.

Les Misérables sont à plus d’un titre une œuvre charnière dans la création de Hugo. Commencée le 17 novembre 1845 après quelques recherches préparatoires, la rédaction de ce qui s’appelle alors Les Misèress’interrompt en février 1848, « pour cause de révolution », écrit Victor Hugo le 31 août 1851, lorsqu’il pense un moment reprendre le manuscrit. En fait, il faudra attendre le 25 avril 1860 pour qu’il entreprenne véritablement d’en poursuivre la rédaction, et la publication du roman s’échelonnera d’avril à juin 1862

Il aura fallu dix-sept ans au total pour écrire Les Misérables et bien desévénements auront eu lieu pendant ces années : la révolution de février 1848, les émeutes de juin, le coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte le 2 décembre 1851… Parallèlement, l’image que Victor Hugo donne de lui-même par sa notoriété et son caractère d’homme public a considérablement changé dans l’intervalle.

Les misérables, autant que d’une conversion politique, témoignent d’une lente élaborationdu roman hugolien. Ils semblent en effet réunir les deux aspects que la fiction avait pris jusque-là chez Hugo : celui du roman historique, et celui du roman de la réalité contemporaine. L’œuvre opère donc la synthèse entre ces différentes formes en prose que sont le roman historique, le récit à la première personne qui permet de voir le monde en se plaçant à l’intérieur d’une conscience, le faitdivers, témoignage direct des réalités sociales, et le discours politique et prophétique.

C’est aussi à partir des Misérables que le roman hugolien trouve sa respiration propre, ce découpage si particulier en parties, livres et chapitres, ébauché dans Notre-Dame de Paris, et cette alternance constante entre la fiction et les digressions philosophiques ou historiques, qui apparaissaientcertes dans les romans antérieurs, mais sous une forma plus restreinte et sporadique.

Pourtant, Les Misérables ne sont pas seulement liés à la production romanesque de Hugo ; ils sont aussi à situer par rapport au désir qu’il affichait dans l’ouverture des Contemplations (1856), de composer « Les Mémoires d’une âme ». Jacques Seebacher a montré que la coupure introduite dans la rédaction desMisères en février 1848 (au moment même où Jean Valjean, qui se nomme alors Jean Tréjean, découvrant l’amour de Cosette pour Marius, éprouve les affres de la jalousie) intervient avant même la révolution de 1848, et traduit une crise intime qui se résoudra dans la rédaction des Contemplations et la sublimation de l’amour de Hugo pour sa fille Léopoldine, morte noyée avec son époux en 1843.La biographie tient une place non négligeable dans ce roman : à travers Marius, Hugo revit sa jeunesse et aussi ses positions de la maturité. Le roman d’apprentissage du jeune homme retrace en effet l’évolution politique de Hugo, depuis les salons ultras qu’il fréquentait dans sa jeunesse et auxquels il faut ajouter la figure de sa mère, Sophie Trébuchet, royaliste et voltairienne, jusqu’à sonenthousiasme pour la figure de Bonaparte et la redécouverte de son père, Léopold, soldat de la Révolution et officier de l’Empire. L’identification ne s’arrête pas là puisque Marius Pontmercy, comme Victor Hugo, devient républicain, avant de concevoir, plus largement, un « parti de l’humanité ». Le personnage de fiction connaît en quatre ans seulement des changements politiques que Hugo a vécus surtrente ans. Ces liens intimes qui unissent l’auteur et son personnage expliquent sans doute un ton particulier du narrateur, où la tendresse se mêle à une gentille moquerie devant la naïveté de la jeunesse.

Cette présence dans le roman d’éléments biographiques renvoie à tout un usage de clés et d’indices que seuls peuvent élucider les érudits qui font l’objet de notes dans les...