Non-Lieu
De l’antiquité jusqu’à nos jours, les philosophes se sont toujours interessés à la notion d’espace et ont essayé mainte fois de la conceptualiser, sans véritablement, à chaque fois, en saisir toute son essence. En effet, la question qu’est-ce que l’espace soulève bien des difficultés, et il est difficile de pouvoir toutes les surmonter. En revanche, la notion delieu, qui paraît inséparable de celle d’espace, n’est pas considérée comme un véritable concept philosophique. Comment penser ce qu’est un lieu, alors que celui-ci n’est pas un concept ? L’une des solutions consiste à rapprocher la notion de lieu à celle d’espace pris au sens, non pas d’espace universel, mais d’espace particulier. Il devient alors possible de penser la notion de lieu en lacomparant à celle d’espace particulier. Cependant, un lieu est-ce un espace?
Pour étudier cette question, nous verrons d’une part, qu’est-ce qui caractérise un espace ? D’autre part, est-il possible d’habiter un espace ou bien le fait d’habiter implique t-il nécessairement la notion de lieu ? Et enfin, par opposition à la notion de lieu, qu’est-ce qu’un non-lieu ?
Pour savoir ce qui caractériseun espace, il faut d’abord concevoir l’espace dans son universalité. En effet, que nous représentons nous sous le terme “d’espace” ? Nous nous représentons généralement un milieu qui est à la fois homogène, c’est à dire que tous ses points sont identiques entre eux ; infini et en tout cas non-limité, c’est à dire que nous pouvons toujours concevoir un espace au-delà de telle étendue bornée ;susceptible de contenir les objets les plus divers mais subsistant comme contenant lorsque les objets qu’il contient disparaissent ou sont remplacés par d’autres ; pourvu de trois dimensions : largeur, hauteur, profondeur ; et enfin réversible, c’est à dire que je peux aller d’un lieu A à un lieu B, puis revenir du lieu B au lieu A. Pour mieux comprendre ce qu’est l’espace, il est important d’analyserbrièvement la théorie Kantienne de l’espace. L’espace est un cadre à priori de notre perception, une condition subjective de ma représentation du monde. Le fait que nous ne puissions nous en abstraire, que nous ne puissions nous représenter quoi que ce soit en dehors de lui ne montre t-il pas qu’il fait partie de nous-mêmes ? L’espace a donc un caractère de nécessité, puisque je ne peux rienconnaître sans lui. Il est universel, car les constructions à priori de la géométrie sont valables universellement. Le caractère essentiel du cadre spatial est donc son idéalité transcendantale. Idéalité puisqu’il n’est qu’une forme subjective de ma perception ; idéalité transcendantale puisqu’il est une condition à priori universelle et nécessaire de toute connaissance. L’espace est transcendantalparce qu’il est ce sans quoi je ne puis me représenter le monde. Mais l’espace à coté de son caractère d’idéalité transcendantale présente un aspect de réalité empirique. C’est une donnée de l’intuition et nullement un concept de l’entendement. En effet, un concept est une idée abstraite qui résume après coup des réalités concrètes. Au contraire, l’unité de l’espace loin d’être abstraite, après coup,de représentations particulières, est une donnée première, antérieure à toute composition, objet d’une pure intuition. Ce sont au contraire les parties de l’espace qui sont obtenues après coup par division. Kant attire notre attention ici sur un fait particulier : la main gauche et la main droite ne sont pas conceptuellement différentes. Cependant, on ne peut pas les superposer. Il y a là unedifférence, une hétérogénéité, qui est une propriété de fait de l’espace, donnée à l’intuition.
Cette dernière remarque montre que l’espace tel qu’on se le représente, c’est à dire l’espace géométrique, ne serait pas réellement l’espace tel qu’on le vit. En effet, comment pourrait-on vivre dans un espace tel qu’il a été défini précédemment ? Il semble que ce que Kant a pris pour une “forme à...
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