La fêtes des anciens, pierre mertens

Pierre MERTENS, La fête des anciens

Les protagonistes et leur rapport aux femmes

Pierre MERTENS, La fête des anciens
Les protagonistes et leur rapport aux femmes

Publié pour la première fois en 1971, La fête des anciens nous partage les pensées de trois hommes – grand-père, père, fils – qui se réunissent un dimanche après-midi pour assister au spectacle de fin d’année du (petit)fils. Plus qu’un récit, il s’agit de pensées entrecroisées, de vies entremêlées, d’existences qui s’engendrent les unes les autres et dans lesquelles la narration nous emmène, le temps d’une lecture.
Nous nous pencherons sur le rapport que les personnages principaux entretiennent avec les femmes, les images qu’ils en ont, celles qu’ils s’en font, et par extension nous aborderons aussi lesthèmes qui traitent de séparations ou d’unions entre les deux : mariage, divorce, relation intime. Nous étudierons ces relations en attachant de l’importance aux différences et aux similitudes qui apparaitront pour chacun des protagonistes, en espérant saisir la manière dont ce rapport aux femmes permet de singulariser ces trois personnages, à la fois uniques et intimement liés.
Nous avonschoisi de faire cette analyse dans le premier chapitre de cet ouvrage. Nous y suivrons donc le fil du récit en abordant les personnages dans leur ordre d’apparitions – ou peut-être est-ce un désordre – afin de ne pas schématiser cette œuvre mais de la préserver dans ce qu’elle a de complexe justement, car cette complexité, ces enchevêtrements, ces allées-venues dans les pensées, personnalités et vécusde chacun font sens, eux aussi. Evidemment d’autres chapitres mériteraient également notre attention, particulièrement le dernier qui est riche en révélations sur le sujet. Cependant l’objet de notre travail n’étant pas de le traiter exhaustivement, nous avons choisi de limiter notre étude au premier chapitre, le considérant comme celui qui nous donne une présentation brute des personnages.Le texte commence par un incipit informatif qui présente d’emblée les thèmes principaux (enfant, famille et solitude), l’espace-temps «dimanche après-midi d’été » [1], et même le caractère introspectif et incertain qu’on retrouve tout au long du récit (le choix des verbes penser, se dire, songer, le conditionnel, l’adverbe peut-être, l’interrogation directe …). Il s’achève avec cette phrase :« […] il ne peut être question entre eux que de solitude, la solitude de chacun des trois se nourrissant de celles des deux autres.»[2] Nous voilà plongé dans cette histoire de solitudes entremêlées.
Tournons la page et remarquons que c’est avec un dialogue que débute ensuite le récit, mais un dialogue sur le droit de visite, le divorce… Le dialogue qui aurait pu annihiler cette solitude enest lui-même porteur et révélateur. Le grand-père est divorcé, le père sur le point de l’être. Voilà la solitude nommée : solitude par rapport à une femme à laquelle on s’était uni.

Par un discours indirect libre, le narrateur omniscient nous livre les pensées de Julien : « […] il y a chez moi une vocation au désaveu de paternité. Un désaveu général de tous mes enfants possibles. Pour moi,qui ne me suis jamais occupé de mon fils, ce dimanche passé à ses côtés prenait des allures d’accident. »[3] Les pensées de ce personnage l’introduit comme ayant un rapport stérile à la femme. Le retour au discours direct avec la réponse de Julien à son père qui clôt le dialogue initiateur sur le droit de visite va également en ce sens : il s’agit de mariage, ou plutôt de divorce, et d’enfant quel’on ne voit que trop rarement.
Étrange entrée en matière, aucune allusion directe aux femmes si ce n’est cette métaphore, sur laquelle il nous faut nous arrêter, au sujet de l’état d’esprit du père en instance de divorce « un suicide au teint de jeune fille »[4]. La femme est donc présente dans cet univers masculin, mais présente comme celle qui meurt, qui s’en va, qui divorce…...